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« La crise a révélé un management à bout de souffle »

Une étude de la chaire management et santé au travail de l’IAE de Grenoble pointe les failles du management dans la gestion du télétravail à distance pendant la période de confinement. Pour Emmanuel Abord de Chatillon, directeur de la chaire et coordonnateur de l’enquête, il doit se réinventer. Au risque sinon de disparaître.

Demain, une entreprise sans chefs ? La généralisation du travail à distance a bouleversé les relations managériales. Au point de remettre en cause le rôle des managers, notamment intermédiaires, au sein des organigrammes. C’est ce que démontre une enquête inédite de la chaire management et santé au travail de l’IAE de Grenoble auprès de 1336 salariés. Chiffres et témoignages à l’appui.

Les griefs à l’encontre de la hiérarchie intermédiaire ne sont pas nouveaux. On leur impute d’être trop focalisés sur la gestion des process et du reporting, de relayer des discours venant du « haut », de s’être éloignés des réalités concrètes de terrain voire de freiner l’innovation. Ce qui se traduit par une perte de motivation.

Absence du manager dans le travail quotidien

« Plusieurs enquêtes ont d’ores et déjà pointé du doigt l’absence du manager dans le travail quotidien des collaborateurs, rappelle Emmanuel Abord de Chatillon, directeur de la chaire et coordonnateur de l’enquête. Mais la crise sanitaire a rendu cette réalité plus visible alors qu’il était plus facile de l’occulter dans un cadre de travail en présentiel ». Car contre toute idée reçue, les salariés « souffrent non pas des excès ou de l’omniprésence du management mais plutôt, à l’inverse, de son absence ».

« Je n’ai eu aucun contact direct avec mon manager depuis le confinement », rapporte ainsi l’étude en citant le témoignage d’un salarié.

« Cette crise est révélatrice de l’importance relationnelle du travail managérial ».

Un constat inquiétant selon Emmanuel Abord de Chatillon qui appelle à un « aggiornamento du travail ». « La crise a révélé un management à bout de souffle ». La bascule dans l’entreprise d’après passe « par une remise en cause de leur rôle ». Et même de leur utilité. Il faut que le management se réinvente au risque de disparaître.

Deux tiers des salariés ont envie de télétravailler à l’avenir

L’expérience du Covid-19 a, de fait, chamboulé les repères et balayé les certitudes. « La mise à distance du lieu de travail qui s’est en effet opérée pendant ce confinement, malgré les nombreuses contraintes qu’elle porte, met en évidence que le travail peut se réaliser différemment, avec des salariés plus responsabilisés ». Résultat ? « Plus des deux tiers des salariés que nous avons interrogés ont envie de télétravailler à l’avenir », note Emmanuel Abord de Chatillon.

Car loin d’être déboussolés, les salariés confinés ont assuré. Ils ont gagné en autonomie. Ils sont restés concentrés. Ils ont assumé leurs missions, avec succès le plus souvent. 40 % estiment avoir gagné en tranquillité et en concentration. « Je suis au calme pour travailler. Je suis moins interrompu par mes collègues », relève ainsi l’enquête en citant le témoignage d’un salarié. « Cette maîtrise de mon emploi du temps permet moins de stress et une meilleure productivité », indique tel autre. Des témoignages « qui interpellent sur la faible capacité des entreprises à organiser le travail de cette manière-là ».

Surtout, le télétravail a été un formidable gain de temps grâce à la suppression des trajets pour 42 % des salariés sondés.

« Travail virtuel »

Certes, tout n’est pas rose pour autant. Le télétravail présente aussi des inconvénients, notamment la perte de contacts de contacts humains, les réunions Zoom et Skype ne remplaçant pas les contacts de visu. 61 % des sondés ont ainsi un sentiment d’isolement et ressentent un manque de lien social et d’échanges ; 11 % déplorent un brouillage entre vie professionnelle et vie privée. « J’ai le sentiment d’un travail virtuel », remarque cette salariée. « Le travail en équipe est plus difficile », pointe une autre.

Mais les salariés, jusqu’ici « infantilisés » pourraient bien adopter « une posture plus autonome et proactive ». En clair, ils ne seront plus comme avant.

Un « stress test » pour le management

Comment répondre à leurs attentes ?

Sans opter pour « l’entreprise libérée », « la demande est très claire : les salariés de notre enquête veulent des échanges réguliers, un suivi fondé sur la confiance », confirme Emmanuel Abord de Chatillon. Certains managers ont joué le jeu, « en organisant de nouveaux rituels de sociabilité, doublés de points journaliers et individuels avec les personnes plus fragiles ». Mais ces nouveaux modes relationnels basés sur la confiance réciproque et l’autonomie ne sont pas acquis d’avance. Tous n’y étaient pas prêts.

Parmi les pistes, les auteurs préconisent une évolution des managers vers un rôle de « coach », d’ »animateur d’équipe », de « superviseur du travail ». Un manager « au service » des besoins des collaborateurs qui n’attendent plus de lui qu’il soit simplement une « figure d’autorité ». L’étude conseille aussi un rapprochement vers le terrain afin de ne pas perdre contact avec le travail des collaborateurs. « Finalement le travail ramène à «l’os », c’est-à-dire qu’il remet les taches concrètes et le travail au centre de la réflexion ».

Nul doute que période de confinement constitue un « stress test » pour le management. En tous les cas, une expérience hors nomes qui permet de repenser le système hiérarchique et de briser certains tabous…

 

Anne Bariet / 

 

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